Conduire et réguler son enseignement en EPS

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Mots clés : régulation, projet d'enseignement, différenciation pédagogique, observation, évaluation, bilan.

  

1 Une pédagogie du projet

Considéré comme un système, l'enseignement est un ensemble de pratiques, de méthodes et d'institutions qui forme à la fois une construction théorique et un moyen d'action concret au contact des élèves. Cette définition s'est trouvée confortée et précisée dès la fin des années 70 avec l'introduction de la "pédagogie du projet", qui a trouvé sa concrétisation dans la Loi sur l'éducation de 1989. Centrée sur l'élève, cette approche se donnait pour objectif de "rentabiliser" au mieux l'acte d'enseignement en planifiant chacune de ses parties et en introduisant les formes d'évaluation susceptibles d'en vérifier la pertinence et le bien-fondé. Formalisé dans le projet d'établissement, ce système est ensuite décliné dans les projets disciplinaires puis dans les projets pour les classes avant de prendre sa dimension réellement pratique dans les projets des leçons. L'observation des élèves et l'évaluation, sur le terrain, du bien-fondé des objectifs retenus autorise la continuation des apprentissages prévus ou leur remise en cause, celle-ci s'accompagnant d'une redéfinition des objectifs à tous les niveaux du système.

S'agissant de traiter la façon de "réguler son enseignement" et bien qu'ils soient également soumis à l'exigence d'une régulation annuelle ou pluriannuelle notre propos ne s'intéressera pas au projet d'établissement et au projet pédagogique d'EPS. Le premier est l'affaire de l'ensemble de la communauté éducative (administration, services, vie scolaire, enseignants, parents d'élèves, élèves...), le second est de la responsabilité de l'équipe des enseignants d'EPS alors que les projets pour les classes, les cycles d'enseignement et les leçons appartiennent au seul enseignant responsable devant ses propres élèves.

Arrêté en début d'année pour chacune des classes, le projet d'enseignement est établi à partir de la mise en cohérence d'un certain nombre de données incontournables :

  • les exigences institutionnelles (programmes, instructions, évaluations) retenues pour ce niveau de classe,
  • le projet d'établissement qui fixe ses objectifs prioritaires propres et le projet pédagogique d'EPS qui les prend en compte,
  • les caractéristiques de chacune des classes concernées (profil de classe, cas particuliers...),
  • les conditions matérielles de la pratique (installations sportives, matériel disponible, durée et pénibilité des déplacements, contraintes climatiques...).

A partir de cette analyse le projet d'enseignement détermine un certain nombre d'objectifs et de moyens destinés à les atteindre. Ces objectifs et ces moyens sont ensuite repris dans les projets des cycles puis dans les projets de chacune des leçons. Bien entendu cette démarche n'est pas figée et tout au long de l'année scolaire l'enseignant module son projet d'enseignement afin d'ajuster au mieux ses propositions aux besoins de ses élèves.

Le projet de cycle propose, provisoirement, le ou les objectifs à atteindre dans le droit-fil du projet d'enseignement. Il répartit les apprentissages sur la durée du cycle, prévoit les moments consacrés aux évaluations et engage des hypothèses sur les contenus de celles-ci. Il prévoit, si besoin est, les contenus d'une évaluation initiale et il arrête, provisoirement, les formes de conduite pédagogique qui seront mises en oeuvre.

Le projet de leçon s'inscrit dans la continuité du cycle d'apprentissage en prenant en compte les résultats des leçons précédentes. La première leçon utilisant une activité nouvelle mettra toujours les élèves sur des situations les plus proches possible de la réalité culturelle de l'APS et cela même si il faut, le plus souvent, aménager le règlement, les effectifs et l'espace de pratique.

Si l'ensemble des apprentissages peut être anticipé dans le projet de cycle (puis soumis à régulation...), les projets des leçons ne peuvent être préparés en début de cycle : chacune va dépendre du bilan de la précédente.

Schéma : construction et déclinaison des projets

  

2 Apprendre en EPS...

Si en EPS les connaissances déclaratives ("je sais qu'il est interdit de marcher dans la zone au handball") ne sont pas inutiles, ce sont bien les connaissances procédurales ("je sais comment faire" et "je le fais) qui constituent l'essentiel des apprentissages proposés. Comme le montre Christian GEORGE on ne peut, dans ce cas, qu'apprendre par l'action. La préoccupation principale de l'enseignant consistera donc à mettre ses élèves en activité afin que ceux-ci, confrontés à une tâche, puissent mettre en oeuvre les moyens de l'apprentissage (essais, informations rétroactives, recours à des informations mémorisées, répétition etc..).

Aussi tautologique que cela puisse paraître l'enseignant doit enseigner, c'est à dire transmettre des connaissances et faire ce qu'il faut pour qu'elles soient comprises et assimilées par ceux à qui elles sont destinées. En ce sens, l'acte d'enseignement doit répondre à trois questions essentielles : que dois-je apprendre à mes élèves ? comment vais-je m'y prendre pour qu'ils apprennent ? comment vais-je vérifier qu'ils ont appris ?

La conception et la préparation de l'enseignement doivent anticiper les réponses à ces questions en arrêtant les différents projets, en choisissant les contenus d'enseignement et les situations d'apprentissage susceptibles de permettre de les atteindre et en élaborant les procédures d'évaluation destinées à vérifier les acquis. L'organisation et le fonctionnement de l'enseignement, les moyens de remédier aux difficultés rencontrées comme la conduite pédagogique et les formes de communication font également parties de cette préparation. Pour autant, et parce que l'enseignement s'adresse à des sociétés humaines et que celles-ci ne se mettent que rarement en équation, ces prévisions ne donnent pas toujours satisfaction. Les objectifs peuvent être mal choisis, les contenus d'enseignement peu judicieux, les situations d'apprentissage vouées à l'échec ... et le comportement des élèves différent de celui que l'on attendait. Ces dysfonctionnement peuvent aussi concerner la pertinence de l'évaluation prévue, les organisations et le fonctionnement général de la leçon ou bien encore la conduite pédagogique proprement dite. Bref, en l'absence de cohérence et de pertinence tout ou partie doit être impérativement corrigé : c'est la fonction qui doit être attribuée à la régulation de l'enseignement.

3 Réguler son enseignement...

A la question " que dois-je apprendre à mes élèves ? " l'EPS apporte depuis plus d'un siècle des réponses variées et quelquefois contradictoires. Cependant, et depuis le début des années 80 et son intégration à l'éducation nationale, l'éducation physique et sportive s'est coulée dans le moule des autres disciplines d'enseignement en intégrant la démarche des programmes et en précisant les contenus des évaluations aux examens du second degré. Ainsi le " que dois-je apprendre à mes élèves ? " trouve une réponse organisée par l'intermédiaire des évaluations et des programmes nationaux qui rythment la scolarité de la sixième à la terminale. La réalité n'est cependant pas si simple et l'hétérogénéité des conditions et des milieux d'exercice comme les moyens dont disposent les équipes enseignantes peuvent rendre le strict respect de ces programmes et de ces évaluations quelque peu aléatoire. Et ce, d'autant plus, que les compétences et connaissances exigibles aux différents niveaux de la scolarité visent des niveaux d'expertise souvent peu compatibles avec la réalité des élèves en prenant rarement en compte l'hétérogénéité des ressources, des morphologies, des motivations et, plus généralement, des besoins des uns et des autres. Soucieux de respecter autant les exigences institutionnelles que cette réalité des pratiques, l'enseignant d'EPS se trouve dans l'obligation de construire son projet d'enseignement en tenant compte d'un ensemble de paramètres lié, certes, aux programmes et évaluations imposés par l'institution, mais aussi à l'ensemble des contingences qui conditionnent sa pratique. Ainsi la régulation de l'enseignement ne consistera pas seulement à mesurer l'écart entre les réalisations des élèves et ces exigences institutionnelles mais elle devra s'intéresser à l'ensemble du projet d'enseignement tel qu'il a été arrêté au début des apprentissages.

Si la conception et la préparation précèdent l'acte d'enseignement proprement dit, la régulation accompagne les mises en oeuvre et se prolonge en fin de leçon et de cycle afin de remédier aux difficultés rencontrées en influençant et en corrigeant la suite des apprentissages proposés. Elle s'appuie sur l'observation et l'évaluation de la conduite des élèves en activité afin de pouvoir mesurer les écarts entre ce qui était prévu et ce qu'ils réalisent réellement. Ensuite, et en fonction de ces observations, elle doit déboucher sur la poursuite ou la modification des apprentissages. C'est assez dire qu'il s'agit là d'une démarche difficile, qui nécessite une véritable expertise et, certainement, un minimum d'expérience professionnelle. Cette remarque est d'ailleurs confirmée par le comportement des enseignants débutants pour lesquels le principal déficit pédagogique constaté se trouve souvent dans une régulation insuffisante des enseignements. Ces débutants, stagiaires ou professeurs fraîchement titularisés, sont habituellement centrés sur le fonctionnement matériel de leur leçon, obnubilés par la mise en oeuvre des situations d'apprentissage retenues et perturbés par la nécessité de policer le comportement des élèves. En établissant une relation privilégiée avec le savoir au détriment des élèves ils en oublient souvent de porter leur regard sur leurs conduites motrices et, partant, sont parfois dans l'incapacité de relever les dysfonctionnements et de réguler leurs apprentissages. En établissant cette relation privilégiée avec le savoir le professeur attribue aux élèves la "place du mort". On assiste alors à un double processus : certains élèves quittent la situation pédagogique ou la récusent ("drop out") alors que d'autres se mettent à chahuter ou montrent ostensiblement que cette situation ne leur convient pas ("drop in"). Incontestablement (mais cela ne concerne pas que les enseignants débutants), le processus "enseigner" qui privilégie l'axe professeur-savoir l'emporte le plus souvent sur le processus "apprendre" qui s'intéresse plus précisément à l'axe élève-savoir. Maurice PIERON, dans une étude menée en 1982 dans des leçons d'EPS, montre que le pourcentage d'intervention consacré aux instructions et au feedback est nettement différent chez le professeur confirmé et chez le stagiaire. Le premier y consacre 47,2% de ses interventions, le second seulement 33%. Ce constat est également souvent évoqué par les observateurs, les conseillers pédagogiques et les corps d'inspection. Il engage certainement des pistes intéressantes, autant pour la formation des futurs enseignants qu'en ce qui concerne les épreuves proposées à l'occasion des concours de recrutement.

Notons, enfin, que la régulation de l'enseignement est le seul moyen qui permette la mise en oeuvre d'une pédagogie différenciée susceptible de pallier quelque peu à l'hétérogénéité constatée dans les classes de collège ou de lycée.

Nous l'avons vu : l'expression "régulation de l'enseignement" apparaît à divers stades de sa mise en oeuvre et semble recouvrir des réalités quelquefois bien différentes. Ainsi nous distinguerons ce que nous pouvons appeler, par commodité, la "régulation instantanée" effectuée pendant l'acte d'enseignement, de "la régulation de fin de leçon" et de "la régulation de fin de cycle". Cette approche est quelque peu formelle puisqu'elle traite séparément des démarches qui se recoupent le plus souvent, mais elle a l'avantage d'autoriser des analyses séparées plus compréhensibles que nous tacherons, chaque fois, d'illustrer avec des propositions concrètes.

3.1 La "régulation instantanée"...

Pendant la leçon proprement dite l'enseignant doit conduire simultanément un triple questionnement : les tâches proposées sont-elles adaptées aux niveaux des élèves ? les quantités de répétitions sont-elles judicieuses ? la conduite pédagogique permet-elle un bon déroulement de la leçon ? répondre à ces trois questions et proposer les ajustements nécessaires constituent les bases de la régulation instantanée.

3.1.1 Régulation et difficulté de la tâche

On sait que les tâches d'apprentissage qui présentent un niveau de difficulté optimal sont celles qui provoquent le meilleur développement des habiletés motrices. On sait également qu'au plan de la motivation une réussite trop aisée ou un échec prolongé entraînent le désintérêt de l'élève et, en conséquence, un désengagement de l'apprentissage. Dans ces conditions un ajustement précis de la difficulté de la tâche aux ressources et aux acquis antérieurs des élève est une obligation qu'il est difficile de respecter avec précision dans la préparation de l'enseignement, même si celui-ci s'organise à partir d'une analyse précise des caractéristiques des élèves et d'une évaluation initiale pertinente. Prévoir des tâches évolutives afin d'ajuster le niveau de difficulté est donc impératif mais pas forcément suffisant pour satisfaire à des comportements imprévus.

Dans ces conditions la régulation consistera, d'une part, à ajuster le niveau de difficulté à partir des aménagements prévus et, d'autre part, à imaginer dans l'instant des solutions qui permettront de remédier aux difficultés rencontrées. Pour ce faire, l'enseignant dispose d'une batterie d'ajustements (ou de remédiations) parmi lesquels il devra choisir le ou les plus pertinents pour mettre en cohérence les possibilités des élèves et le niveau de difficulté de la tâche qu'il propose. Ces remédiations, qu'elles complexifient ou qu'elles simplifient la tâche, peuvent s'exercer dans plusieurs directions :

  • en ajustant la quantité de l'engagement énergétique en intervenant sur le temps de course, l'allure de course, la distance à parcourir, la durée de l'affrontement ou de la prestation, l'espace de pratique, la quantité de charge....
  • en ajustant la complexité de la réalisation motrice : en aménageant le milieu, les conditions de temps, la tenue et la manipulation de l'engin...
  • en ajustant les conditions du rapport de force : en modifiant la coopération ou l'opposition, en limitant les possibilités d'intervention sur soi, sur l'autre ou sur l'engin...
  • en ajustant les conditions de la prise d'information : en donnant (ou en enlevant) des repères visuels ou sonores, en modifiant les effectifs, en outillant l'information....
  • en organisant les conditions d'une sécurité rassurante ou d'un risque subjectif plus important : en aménageant le milieu, en proposant une aide, une parade....

Ces remédiations portent autant sur la complexification que sur la simplification de la tâche, elles pourront intéresser l'ensemble de la classe ou seulement un groupe d'élèves, voire même un seul.

3.1.2 Régulation et répétitions de la tâche

La répétition de la tâche signifie que l'élève reproduit volontairement un geste afin de parvenir à la meilleure acquisition ou à l'acquisition accélérée d'une habileté motrice. Or la répétition peut avoir un effet bénéfique mais aussi des conséquences néfastes. La répétition d'un même mouvement amène une plus grande régularité des réponses et tend à diminuer les temps de réaction. A contrario, la répétition peut produire des réponses stéréotypées ce qui interdit tout transfert d'apprentissage : l'élève n'est plus capable de s'adapter à de nouvelles situations.

On distingue bien le rôle essentiel que peut jouer la régulation. Si le nombre de répétitions est trop faible, l'habileté visée ne sera pas acquise, s'il est trop important l'élève peut perdre tout bénéfice sur le plan d'une motricité adaptative. Or, et compte tenu de l'hétérogénéité des élèves, ce qui peut être trop court pour certains risque d'être trop long pour d'autres. Il faudra fixer les premiers sur cette tâche et amener les seconds sur une autre ou, pour le moins, sur une modification de la tâche initiale.

On peut constater ici combien le minutage précis des temps consacrés aux différentes situations d'apprentissage sur un planning de leçon est inutile voire dangereux s'il est respecté sans discernement.

3.1.3 Régulation et conduite pédagogique

Le " comment vais-je m'y prendre pour qu'ils apprennent " concerne deux parties distinctes dans le temps. L'approche pédagogique que l'enseignant souhaite employer peut et doit être une partie intégrante de la conception et de la préparation de l'enseignement, mais elle ne peut tenir compte de "l'évènementiel", c'est à dire de ce qui va se passer réellement pendant la leçon. Pour peu que la classe sorte d'un devoir sur table particulièrement contraignant ou, au contraire, d'une séquence libérée par l'absence d'un enseignant son comportement risque d'être totalement différent de ce que l'on attendait . Dans ce cas la régulation passera par la remise en cause du prévisionnel pour s'orienter vers une conduite pédagogique qui pourra préserver l'essentiel des apprentissages prévus. Ce type d'adaptation est tout aussi valable lorsque les conditions habituelles sont perturbées par l'absence imprévue de nombreux élèves, par les conditions atmosphériques ou bien encore par un changement inattendu d'installations sportives.

Dans le courant de la leçon quatre types d'évènements peuvent être observés : des incidents se rapportant à l'activité, au professeur, aux autres élèves, et aux élèves inaptes, dispensés du cours d'EPS. La présence de ces derniers étant dépendante du règlement intérieur des établissements ces incidents peuvent être évités soit par une prise en compte pédagogique particulière (arbitrage, observation...) soit, plus simplement, en faisant en sorte qu'ils n'accompagnent pas la leçon d'EPS. Les incidents entre élèves doivent être abordés avec beaucoup de prudence par l'enseignant : réclamer des explications, obtenir un dialogue...et ne pas laisser les autres élèves s'en mêler semblent être les meilleurs conseils que l'on puisse prodiguer. Dans tous les cas il faut veiller à garder une certaine mesure (ni indifférence, ni dramatisation excessive) et surtout veiller à rendre un jugement équitable : rien n'est pire que le sentiment d'injustice que peut ressentir un élève. Les incidents qui concernent un ou des élèves et le professeur méritent de ne pas être gérés dans l'urgence : calmer le débat, obtenir une pacification momentanée et reporter les "explications" en fin de cours paraît toujours être la meilleure solution. Il faut, dans tous les cas, se garder de perdre son sang-froid et de se laisser aller, par la parole ou par le geste, à des réactions excessives qui ne pourront que se retourner contre l'enseignant et la sérénité de la leçon. Les incidents les plus nombreux concernent l'activité puisqu'ils représentent plus de 60% du total. Démobilisation, arrêt d'activité, chahut, bavardages intempestifs, détérioration du matériel, abandon prématuré du cours sont autant de conséquences visibles qui peuvent concerner n'importe quel enseignant. Trois raisons peuvent être évoquées pour expliquer ces dysfonctionnements :

  • les élèves considèrent l'action comme trop facile,
  • les élèves considèrent l'action comme trop difficile,
  • les élèves estiment l'activité proposée inintéressante ("c'est nul ! !") ou lassante ("on fait autre chose ?").
  • Les problèmes posés par les deux premiers items peuvent certainement être résolus en ajustant la difficulté de la tâche comme cela a été évoqué plus haut : l'aménagement des situations d'apprentissage peut alors résoudre un problème de conduite pédagogique. Le troisième item est beaucoup plus problématique puisqu'il s'intéresse au choix des APS comme support d'enseignement et que l'on manque par trop d'études sur ce point pour pouvoir apporter des conseils utiles et définitifs. Pierre THERME a montré, par exemple, que le choix du football en milieu scolaire difficile ne constituait en rien une garantie de participation active et disciplinée des élèves. En revanche il plaide pour une pédagogie du sens et il affirme que :

"L'adaptation des contenus et de la pédagogie en vue de lutter contre l'échec scolaire ne doit pas se faire au détriment des contenus et des niveaux, ni à celui des efforts en vue d'un progrès dans la didactique des disciplines d'enseignement "

C'est assez dire que plus que le choix de l'APS c'est bien la manière dont elle est enseignée qui conservera l'intérêt de l'élève et qui le maintiendra en activité. Quant à la lassitude qui peut s'emparer des élèves elle peut être la conséquence d'un trop grand nombre de répétitions ou, plus simplement, d'une leçon dont ils ont l'impression "qu'elle n'apporte plus rien de nouveau".

Il n'en reste pas moins que ces incidents sont, pour l'enseignant, du domaine de l'imprévisible et qu'ils exigent une réaction rapide (qui peut, dans certains cas et paradoxalement, consister à ne rien faire : c'est souvent la meilleure manière d'obtenir le silence par exemple...). Par définition il est souvent difficile de donner des conseils pour "gérer l'imprévu" et il n'existe pas de recettes susceptibles de toujours réussir en face d'une classe dont le comportement inhabituel entraîne une attitude peu encline aux apprentissages. Confronté à l'agitation, la régulation peut porter sur l'organisation des enseignements et surtout le cadrage strict des phases consacrées à la présentation des situations d'apprentissage ou des consignes. L'exploitation des "rôles sociaux" en déléguant un certains nombre de responsabilités, une attitude positive vis à vis des élèves, l'encouragement individuel, l'utilisation des " rituels" peut aussi donner quelques résultats. Dans tous les cas il vaut mieux se diriger vers une simplification des contenus proposés, expliquer leur rôle et leur importance pour leur donner du sens et ne pas hésiter, le cas échéant, à introduire des situations ludiques qui ne doivent pourtant jamais s'apparenter à du laisser-aller. Confronté à une classe exceptionnellement amorphe, peu motivée, l'enseignant peut "alléger" sa présence, confier des responsabilités, fixer des objectifs plus simples et plus proches, introduire des situations ludiques ou compétitives. Dans tous les cas il doit se donner les moyens de connaître les raisons de ce désengagement inhabituel et en tenir compte pour la suite des apprentissages.

3.1.4 Les conditions de la régulation

Le fait d'évoquer les contenus d'une régulation instantanée ne donne pas pour autant les conditions de sa mise en oeuvre. Celles-ci s'appuient sur deux compétences indispensables pour l'enseignant :

  • disposer des connaissances professionnelles suffisantes pour proposer les remédiations nécessaires (celles là même que l'on vient d'aborder ci-dessus),
  • posséder les moyens d'une observation pertinente.

3.1.4.1 L'expérience professionnelle

L'expérience professionnelle en question est d'autant plus difficile à acquérir qu'elle suppose des connaissances approfondies non seulement dans la didactique générale de la discipline mais aussi dans celle des nombreuses APS qui constituent les supports d'enseignement de l'EPS. Or, l'activité exploitée comme support d'enseignement ne peut être dénaturée jusqu'à perdre tout son sens et la prise en compte permanente de sa "logique interne" doit présider à toute forme de traitement. En effet, le respect de cette logique interne répond à une double cohérence : culturelle, puisque cette activité est inscrite dans le champ social des pratiques physiques et méthodologique car pourquoi l'avoir choisie si on n'en respecte ni les règles ni les finalités ?

Il est évident qu'aucun enseignant ne peut disposer de toutes les compétences afférentes aux quelques 200 activités qui saturent le champ culturel des APS et qui font, dans la plupart des cas, l'objet d'un ou plusieurs articles de didactique dans la Revue EPS. Ce problème est d'autant plus crucial que la formation des étudiants en STAPS ne consacre, sur le cursus des études, que peu de temps à l'acquisition des connaissances indispensables dans la didactique des APS. La formation initiale se montre en effet bien incapable de satisfaire à ce besoin : contrainte par le temps (quand programmer 200 APS différentes ?), par le nombre (comment intégrer un cycle de gymnastique, par exemple, quand plus de 1000 étudiants sont admis en première année de DEUG ?), par les moyens d'encadrement (comment trouver les formateurs nécessaires ?), l'université fait des impasses que seule une formation postérieure au CAPEPS pourra combler.

Le choix de l'enseignant doit donc se porter vers des activités connues ou susceptibles de l'être par l'intermédiaire de la co-formation et de la formation continue des enseignants. Le niveau d'expertise requis pour pouvoir programmer une APS en tant que support d'enseignement n'est évidemment pas celui du pratiquant patenté ou de l'entraîneur titulaire du "brevet d'état" et il se limite, pour l'enseignant d'EPS, à la capacité d'analyser l'activité dans ses composantes motrices, culturelles et sociales pour en dégager son utilisation en milieu scolaire. Dans ce cadre, et pour toutes les APS, les conditions de la sécurité des élèves doivent être rigoureusement respectées.

En partant du principe que l'APS est connue de l'enseignant, celui-ci doit disposer des moyens d'observation qui lui permettront d'identifier les problèmes avant, bien sûr, de proposer des solutions.

3.1.4.2 L'observation des élèves par l'enseignant et l'observation mutuelle.

Dans le but de réguler son enseignement, l'enseignant doit exercer son observation sur trois paramètres différents mais complémentaires. Il doit contrôler les temps individuels d'engagement dans la pratique, la réussite ou l'échec de l'élève dans la tâche et, dans cette dernière éventualité, l'écart entre ce qui est attendu et ce qui est réalisé.

A : Le temps d'engagement dans la pratique

Si on admet que la difficulté de la tâche proposée est adaptée au niveau des élèves, on sait que la réussite est directement corrélée au temps d'engagement dans la pratique. Or le temps réel de pratique disponible (temps pendant lequel l'élève peut réellement s'engager dans la tâche) représente moins de 30% du temps total de la leçon et, le plus souvent, autour de 15% dans la plupart des leçons d'EPS. C'est assez dire que cette plage de temps, déjà réduite, doit être exploitée au mieux : l'enseignant doit veiller à ce que chaque élève s'engage au mieux de ses possibilités dans l'activité.

L'observation de cette quantité de pratique par le professeur ne peut raisonnablement concerner chaque élève individuellement, surtout pour des classes avec des effectifs élevés. Une solution peut consister à centrer l'observation sur trois ou quatre élèves " représentatifs" du profil de la classe : un "actif dynamique" (qu'il faudra peut-être modérer...), un "moyen", identifié comme participant régulier mais modéré (qu'il faudra certainement encourager...), un "évitant", repéré comme peu actif et souvent démissionnaire (qu'il faudra motiver...) voire un "perturbateur", plus souvent occupé à autre chose qu'à la tâche fixée par l'enseignant (qu'il faudra calmer et recentrer sur une activité ordonnée). Cette démarche a deux avantages : elle permet de sélectionner la prise d'information et l'action sur ces élèves "types" peut entraîner l'adhésion des autres élèves classés dans les mêmes catégories. Une autre solution, plus efficace, consiste à confier aux élèves une co-observation (outillée ou non) qui prenne en compte le nombre de réalisations ou de tentatives effectuées par chacun d'entre eux dans la tâche proposée. Cette observation sera différente en fonction des organisations. Un fonctionnement en binômes ou en trinômes (natation, athlétisme, gymnastique, activités d'expression, APN...) est, en ce sens, très efficace, mais pour des groupes plus nombreux ou dans d'autres activités (sports collectifs, combat, activités duelles...) il conviendra de déléguer la fonction d'observateur à un responsable, un manager, un juge, un arbitre...

Avec certaines classes et dans certaines activités l'auto-observation (outillée ou non) est possible et peut déboucher sur une information fiable qui permettra la mise en oeuvre des procédures de remédiations.

Dans tous les cas, ces observations doivent être exploitées par l'enseignant au cours de brefs rassemblements à partir desquels il pourra conduire une régulation efficace sur la quantité de pratique. Ces regroupements, qui pourront concerner l'ensemble de la classe ou seulement un groupe d'élèves ou un atelier, peuvent permettre également la mise en oeuvre d'une verbalisation sur les difficultés de la tâche et, éventuellement, sur les solutions trouvées par certains.

B : La régulation relative à la réussite ou à l'échec de l'élève

Si l'observation est l'affaire de l'enseignant il pourra, là encore, utiliser la méthode sélective et choisir quelques élèves représentatifs par leurs niveaux habituels dans ce type de tâche. Dans ce cas, le professeur doit connaître parfaitement les critères de réussite relatifs à cette tâche et les observables qui permettent de les distinguer à l'exclusion de toute autre manifestation inutile à l' observation. Si ces conditions sont respectées l'enseignant peut, certainement, agrandir son champ d'observation à une partie plus importante ou à la totalité de sa classe. Un outil d'observation, simple, renseigné de façon binaire, peut en effet autoriser une observation globale. La verbalisation, abordée ci-dessus, peut utilement compléter cette observation et donner de l'ensemble des élèves une vision assez nette des réussites et des échecs individuels.

Là encore, cette mission d'observation peut être confiée aux élèves eux-mêmes à la condition qu'ils disposent d'un outil simple et fiable et que les rôles des uns et des autres soient clairement précisés. L'utilisation de l'auto-évaluation des réussites et des échecs qui permet, dans certains cas, une régulation quasi mécanique ("si je ne satisfais pas à ce critère de réussite je me dirige vers cette situation aménagée "), peut également déboucher sur un rôle "d'enseignant ressource" ("si je ne satisfais pas à ce critère de réussite je me dirige vers l'enseignant pour obtenir la régulation nécessaire").

Dans tous les cas il ne suffit pas de constater les difficultés pour qu'elles soient surmontées. Certaines possibilités de remédiations ont été envisagées lors de la préparation de l'enseignement mais ces prévisions ne peuvent prendre en compte toutes les situations et surtout tous les écarts constatés entre les réalisations et ce qui était attendu.

C : L'observation des écarts entre le prévu et le réalisé

Toutes les possibilités de comportements ne peuvent avoir été identifiés avant la mise en action mais un certain nombre d'entre elles sont prévisibles et peuvent être caractérisés par des critères comportementaux. Ainsi, dans l'activité "Ultimate" et pour une tâche dont l'objectif consiste "à faire progresser collectivement l'engin vers l'avant dans un contexte d'opposition" un certain nombre de comportements sont prévisibles :

  • l'élève non porteur ne se situe pas en avant du porteur de l'engin,
  • l'élève non porteur ne se situe pas dans un espace libre de marquage,
  • l'élève non porteur ne se situe pas à une distance adéquate de transmission.

Pour tous ces cas (et bien d'autres...) l'enseignant peut prévoir les remédiations nécessaires et, dès le constat effectué, intervenir sur la structure de la tâche pour provoquer le comportement attendu. La progressivité des propositions didactiques permet, en permanence, de réguler son enseignement par un prévisionnel efficace. Pour autant, certains comportements peuvent échapper à ces prévisions :

  • l'élève non porteur satisfait à toutes les conditions énoncées ci-dessus mais l'orientation de ses appuis ne lui permet pas de recevoir l'engin dans de bonnes conditions.

La régulation, dans ce cas, devra être imaginée dans l'instant et la tâche adaptée pour que ce problème d'orientation puisse être résolu.

Si l'exemple ci-dessus concerne un seul ou peu d'élèves la situation proposée est certainement pertinente et son apprentissage pourra se poursuivre, la régulation ne s'adressant qu'aux élèves en difficulté. En revanche, et si toute la classe est concernée, c'est le bien-fondé de la tâche qui est mis en cause et il conviendra d'arrêter une nouvelle stratégie pour la suite des apprentissages. Une telle remise en cause, même si elle peut être abordée en cours de leçon, influencera forcément la suite du cycle et modifiera les futures propositions didactiques. On rentre alors dans le domaine de la régulation de leçon en leçon.

3.2 La régulation en cours de cycle : les bilans des leçons

Faire un bilan à la fin de chaque leçon est une démarche couramment pratiquée dans l'enseignement de l'EPS. Pour autant, et par manque de méthodologie, ces bilans sont souvent peu efficaces au regard de la régulation des apprentissages. L'étude des documents d'appui fournis par les enseignants et qui font apparaître des bilans de leçons permet d'en dégager les erreurs les plus courantes :

  • les bilans généraux, non structurés, qui qualifient de façon globale le fonctionnement de la leçon : "tout s'est bien passé", "quelques difficultés", etc. ...
  • les bilans comportementaux qui s'intéressent essentiellement au climat de la leçon et qui ne font apparaître finalement que le plaisir ou le déplaisir éprouvé par l'enseignant : "bonne tenue des élèves", "participation intéressante", "classe agitée", etc. ...,
  • les bilans comportementaux individualisés qui s'attachent à la façon d'être de quelques élèves pour un constat, certes intéressant sur le carnet de correspondance, mais sans grand profit en ce qui concerne la régulation de la conduite pédagogique : "Norbert a fait l'imbécile pendant tout le cours", "Karine s'est désintéressé de la leçon", etc. ...

Ces remarques peuvent être utiles mais elles ne permettent pas une remise en cause efficace des enseignements et, moins encore, l'ajustement des objectifs à atteindre. Bien entendu d'autres bilans sont opérationnels et certains enseignants savent se donner les moyens d'une régulation efficace. Pour autant, proposer une méthodologie possible semble utile : elle se réfèrera aux trois questions évoquées plus haut et qui permettent d'organiser l'acte d'enseignement.

3.2.1 Bilan de leçon et objectifs retenus

Cette partie du bilan concernera à la fois le "quoi apprendre" et la "vérification des acquis". Concernant les apprentissages le bilan de leçon doit répondre à la question : "les élèves ont-ils atteints les objectifs fixés pour cette leçon ?". La réponse sera le plus souvent qualitative et quantitative . Le qualitatif précisera les conditions de la réussite, le quantitatif désignera les élèves qui satisfont (ou pas) aux exigences retenues.

Un exemple permettra d'illustrer ces références qualitative et quantitative : pour cette classe de 6ème, et pour un cycle d'enseignement d'une dizaine d'heures effectives, l'objectif initial, prévu par l'enseignant et conforme aux programmes des classes de 6ème, est : "assurer la continuité du jeu, défendre son terrain et attaquer celui de l'adversaire".

Parmi les contenus d'enseignement retenus, la défense de son propre terrain apparaît comme fondamentale puisqu'elle est la première condition de la continuité du jeu.

Si on fait référence à la didactique de l'activité, s'organiser au plan moteur pour réaliser une "défense basse " sur engagement adverse en volley peut se décliner en un certain nombre d'objectifs (correspondants à des niveaux d'habileté) plus précis en fonction de la classe ou du niveau des élèves :

  • défendre son terrain en empêchant la balle de toucher le sol sans contraintes réglementaires,
  • défendre son terrain en relançant la balle vers le haut dans le respect des contraintes réglementaires,
  • réceptionner de façon réglementaire la balle et assurer la continuité du jeu en orientant la trajectoire vers un joueur relais,
  • ...

Pour cette classe de 6ème, n'ayant jamais pratiqué l'activité, cet enseignant, assez proche de nos convictions, va choisir le premier item ci-dessus et mettre en place une tâche qui consiste, sur un terrain limité (6x6) et avec un effectif réduit (3x3), à empêcher le service adverse (effectué par dessous à deux mains, balle tenue) de toucher le sol et à renvoyer la balle pour marquer le point. Celui-ci est comptabilisé si la balle touche le sol, si elle est envoyée hors des limites ou si elle est arrêtée par le filet. Les passes sont autorisées, la marque et les rotations sont conformes aux exigences réglementaires.

S'agissant de mettre en oeuvre l'apprentissage de la "défense basse", la balle doit être réceptionnée à deux mains et au dessous de la ceinture (ce qui nécessite un placement et des déplacements adaptés ). Le rapport de force est respecté, la classe étant divisée en groupes de niveau.

Les élèves vont avoir un certain nombre de problèmes à résoudre :

  • s'informer sur les trajectoires et se déplacer pour exploiter et limiter leur espace d'intervention,
  • placer leurs appuis et organiser leur gestuelle pour agir avec efficacité et réceptionner la balle avant qu'elle ne touche le sol,
  • viser et envoyer la balle vers un partenaire mieux placé, ou directement vers le terrain adverse pour essayer de marquer le point.

L'évaluation de cette situation portera sur la continuité du jeu : la production de trajectoires "en cloche" induite par l'obligation de réceptionner bas et la hauteur du filet va déboucher sur un certain nombre de réalisations prévisibles :

  • certains groupes d'élèves vont plus ou moins rapidement arriver à une situation bloquée : le jeu est en continuité permanente et il devient quasiment impossible de marquer le point,
  • d'autres groupes vont se situer dans une position intermédiaire : le jeu reste possible car les erreurs de déplacement et de placement sont nombreuses,
  • les moins habiles, enfin, restent dans un jeu très aléatoire, sans continuité, et dans lequel le score dépend essentiellement des chutes directes de la balle au sol, dès l'engagement.

Au plan quantitatif, et pour cette tâche, le bilan de leçon consistera à classer les élèves dans ces différentes catégories. Au plan qualitatif l'enseignant portera son observation sur les élèves en échec pour déceler les problèmes qu'ils n'ont pas su résoudre dans les domaines de l'information et des organisations gestuelles.

A partir de ce bilan des remédiations pourront être proposées pour la suite du cycle et des apprentissages :

  • les "meilleurs " pourront être orientés vers une tâche plus complexe, soit en faisant appel à des contraintes de temps (en introduisant un service plus rapide, la balle étant lancée à deux mains au dessus de la tête ou même frappée par en dessous) ou d'espace (par agrandissement du terrain ou en passant sur un effectif en 2x2, ou en introduisant une gestuelle spécifique plus contraignante (réception basse à deux mains et envoi par frappe de balle haute par exemple),
  • les "moyens" pourront poursuivre sur la même tâche, des consignes plus précises leur permettant de résoudre, individuellement, les problèmes rencontrés,
  • les "plus faibles" se verront proposé des aménagements de la tâche initiale : réduction de l'espace de jeu, délimitation stricte et indiquée des espaces d'intervention, abaissement du filet pour garder une trajectoire "en cloche" mais moins haute, etc.

Dans la situation qui vient d'être décrite et s'agissant d'élèves débutants dont les comportements sont assez prévisibles il ne semble pas que la régulation aille jusqu'à remettre en cause les objectifs et les contenus d'enseignement retenus pour le cycle. Cela pourrait aller tout autrement si ces élèves disposaient d'un vécu antérieur (acquis au primaire par exemple) important ou qu'au contraire l'APS leur soit totalement inconnue ou qu'ils montrent des déficits moteurs inhabituels pour ce niveau de classe.

3.2.2 Bilan de leçon et conduite pédagogique

Dans son bilan de leçon l'enseignant doit s'attacher à la critique de la conduite pédagogique qu'il a mis en oeuvre. Pour ce faire il doit distinguer ce qui, dans ses interventions, se rapporte à la mise en oeuvre et à la régulation des apprentissages qu'il propose et ce qui est du domaine de l'intervention "disciplinaire", c'est à dire ce qui intéresse le comportement des élèves. La fréquence, ou plus exactement la trop grande fréquence de ce type d'interventions, doit alerter l'enseignant qui devra, dans son bilan non seulement la mentionner mais aussi tenter de la qualifier en distinguant la nature de ces interventions.

On a vu plus haut (Régulation et conduite pédagogique) les différents secteurs concernés et les conseils donnés à cette occasion restent valables en ce qui concerne la régulation de la conduite pédagogique de leçons en leçons. On peut noter toutefois que le temps consacré aux explications et aux consignes doit être d'autant plus réduit que la leçon concerne des élèves jeunes dont l'attention est rapidement défaillante. Avec une classe difficile l'enseignant :

"...invente des contextes, accumule des ressources, construit des cadres, prépare des dispositifs ...[il] s'efforce donc, dans les activités quotidiennes, de proposer des médiations et de construire des rituels".

Autant de solutions qui, en EPS, passent par l'utilisation de médias (fiches illustrées, informatique, vidéo...), l'exploitation de parcours gymniques, athlétiques ou sportifs (en basket, en handball...), la mise en scène du risque et de l'exploit et l'utilisation intensive des rôles sociaux et de la responsabilité individuelle. Avec une classe bruyante, trop bavarde, il faut garder à l'esprit que les élèves parlent d'autant plus entre eux que le professeur leur donne rarement la parole et les moyens de s'exprimer sur ce qu'ils font...

On l'aura compris, les bilans de leçons seraient inutiles s'ils ne débouchaient pas sur des propositions de remédiations qui seront mises en oeuvre dans les leçons suivantes. Il peuvent intervenir aussi sur l'économie générale du cycle d'enseignement et, pourquoi pas, sur la définition d'objectifs nouveaux susceptibles de mieux correspondre au niveau et surtout aux besoins des élèves.

L'ensemble de ces ajustements, de ces remédiations, permet la régulation indispensable de l'enseignement. Cette régulation qui doit permettre de s'adresser au plus grand nombre est aussi le seul moyen de s'adresser individuellement à chacun.

3.3 La régulation de fin de cycle

Cette régulation s'appuie naturellement sur un bilan de fin de cycle dont le rôle essentiel est d'évaluer les acquis et de les situer dans le projet d'enseignement retenu pour cette classe. L'évaluation terminale constitue naturellement une partie importante de ce bilan en situant les élèves au regard des compétences mises en apprentissage pendant le cycle d'enseignement. Avant d'être exploité pour réguler le projet d'enseignement, ce "bilan des acquis" doit être mis en rapport avec les objectifs poursuivis et les conditions matérielles qui ont accompagné le déroulement du cycle d'apprentissage .

Cette évaluation terminale ne prend certainement pas en compte l'ensemble des objectifs poursuivis par l'enseignant. Les aspects comportementaux, le fonctionnement des leçons, l'organisation des apprentissages, les connaissances d'accompagnement etc. ne figurent pas forcément dans les procédures d'évaluation. L'enseignant doit reprendre, point par point, tous les objectifs retenus et dresser le bilan des transformations constatées dans tous ces domaines.

Ce bilan établi, il reste à l'enseignant d'en tirer les conséquences au regard de son projet d'enseignement pour cette classe et, éventuellement, d'apporter les ajustements nécessaires pour la suite de l'année scolaire, voire pour la suite de la scolarité de ces élèves.

4 En conclusion...

Présente à tous les stades du processus éducatif la régulation de l'enseignement est la condition indispensable à la mise en cohérence des différents projets éducatifs avec la réalité des populations scolaires concernées. Parce qu'elle s'effectue pendant ou dans l'environnement immédiat de l'acte d'enseignement elle garde une authenticité qui la préserve des excès de certains discours qui échappent souvent à la réalité du contexte scolaire. Le souci légitime qu'ont les enseignants de participer plus activement à la définition des objectifs attribués au système éducatif et, partant, à l'attribution des moyens de fonctionnement, trouve sa justification dans les conséquences qu'ils tirent de la régulation de leurs enseignements. En affinant et en rendant plus opérationnels les différents projets la régulation participe de façon primordiale à la qualité des enseignements et à la réussite des élèves.

"Préparer, mettre en oeuvre et évaluer" constituent les bases de la profession de l'enseignant. Dans chacune de ces phases la régulation joue un rôle primordial : elle influence la conception et la préparation, elle est partie intégrante de la conduite de la leçon et elle précise les contenus et les conditions de l'évaluation. Elle participe à l'adaptation et à la mise à jour des différents projets et elle demeure la condition indispensable de la différenciation pédagogique. De façon quelque peu triviale on peut affirmer qu'elle est à la fois la direction, l'accélérateur et le frein nécessaires à la conduite de l'enseignement.

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